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Reportage chez une artisane coiffeuse

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temps de lecture : 10 min

Florence GIL : Rencontre avec Séverine Delrieu, coiffeuse à Castelsarrasin dans le Tarn-et-Garonne. À travers son entreprise « 2mèches avec vous », elle nous invite dans un univers dédié au bien-être, à prendre soin de soi, proposant des prestations comme des soins à l’argile , des colorations végétales sur mesure, et bientôt des massages crâniens. Chez Séverine, chaque visite est une expérience de bien-être, où l’on se sent écouté, respecté, et d’où l’on repart ressourcé et revigoré tant sur le plan moral que physique.

FG : Pouvez-vous nous parler de votre parcours ?

SD : J’ai choisi ce métier car c’était une évidence pour moi. Pendant mes années à l’école de coiffure, j’ai effectué de nombreux stages, bien au-delà de ce qui était nécessaire. J’apprécie particulièrement l’ambiance du salon. J’ai fait mon premier contrat d’apprentissage à Albi, dans le salon du 1er compagnon de France de la coiffure. Cette expérience avec un homme a été enrichissante. Le centre de formation était situé dans une ville magnifique, imprégnée d’une énergie positive, propice au tourisme et aux échanges.

De retour à Montauban, j’ai eu des difficultés à trouver ma voie, ne souhaitant pas intégrer de grandes enseignes. J’ai alors déménagé dans le Pays Basque, où j’ai découvert la coiffure dans un environnement très touristique. Cette expérience intense m’a confrontée à des situations variées et m’a permis d’apprendre rapidement sur le terrain. J’ai ensuite ressenti le besoin de rentrer et j’ai trouvé ma place dans une grande structure à Toulouse. Cette expérience m’a permis de gagner en autonomie, de m’épanouir pleinement et d’affirmer davantage ma personnalité.

Après 6 ans, j’ai décidé de partir à Castelsarrasin pour des raisons personnelles. J’ai saisi l’opportunité de préparer ma maîtrise en deux ans et demi. Je me suis ensuite mise à mon compte il y a 7 ans maintenant. Depuis 4 ans je me suis formée au végétal, j’ai un peu tâtonné au départ puis j’ai trouvé les marques qui me plaisaient et qui me correspondent totalement. Aujourd’hui j’arrive à bien répondre aux demandes de ma clientèle tout en étant à l’aise avec les produits. C’est vraiment un autre métier de travailler avec les plantes, on fait de la chimie et des calculs ! Je suis désormais dans cet univers vibratoire et holistique qu’est la coloration végétale et je me sens alignée avec mes valeurs.

FG : Pourquoi avez-vous eu envie de passer à la coloration végétale ?

SD : Je ressentais une certaine lassitude vis-à-vis de mon métier. Ce que j’aime c’est la matière, cependant, dans la coiffure traditionnelle, nous avons souvent recours à des méthodes agressives, telles que la décoloration, l’oxydation. De plus, des sensibilités respiratoires ont commencé à affecter ma santé. Progressivement, j’ai ressenti le besoin de me diriger vers des pratiques plus bienveillantes, orientées sur la préservation plutôt que sur l’altération.

C’est ainsi que j’ai commencé à m’intéresser aux produits naturels pour les cheveux, bien que ce ne fut pas évident au départ. J’ai été formé selon les principes de la coiffure traditionnelle avec de la chimie. Remettre en question ces acquis fut un défi, mais j’ai entrepris des recherches approfondies pour découvrir d’autres méthodes.

Il est parfois paradoxal de constater que certaines personnes adoptent un mode de vie axé sur le naturel dans d’autres domaines, comme l’alimentation bio ou l’utilisation de produits naturels pour la peau, tout en continuant à utiliser des colorations capillaires très chimiques. Pourtant, il est essentiel de comprendre que tout est interconnecté, le cuir chevelu c’est de la peau !

FG : Qu’est-ce qui a changé dans votre pratique depuis l’utilisation de la coloration végétale ?

SD : Souvent, nos désirs capillaires reflètent des besoins de transformation personnelle, une métamorphose de soi. C’est cette dimension relationnelle que j’apprécie particulièrement. Les produits naturels me permettent d’établir un lien authentique, favorisant les échanges avec la clientèle. L’approche est radicalement différente : je cherche à créer une harmonie entre leur personnalité et leur apparence, plutôt que de simplement suivre une image superficielle. Ensemble, nous nous approprions un changement, une couleur, une énergie nouvelle. Je laisse mes clientes s’exprimer, car elles connaissent leurs préférences mieux que quiconque. Ensuite, je m’efforce de concrétiser leurs aspirations, techniquement et artistiquement.

FG : Quelle est la philosophie derrière l’utilisation de la coloration végétale et en quoi diffère-t-elle des produits chimiques traditionnels ?

SD : Les plantes sont colorantes mais également soignantes, offrant un confort et un bien-être. La coloration végétale, tout comme les argiles, va au-delà d’une simple application. Dès le premier contact, on ressent sa nature vivante, ce n’est pas une crème chimique basique. Elle agit comme un soin, stimulant les sens, notamment l’odorat, qui exerce une influence sur le mental et l’émotionnel. J’adopte une approche douce mais parfois il me faut des plantes plus dynamiques, certaines apportant de la vitalité par exemple.

En revenant aux sources, nous suivons la voie des premières colorations, dont le lien avec la nature était direct. Les marques avec lesquelles je travaille proposent des teintes et des nuances douces adaptées à notre carnation occidentale, tout en offrant des bienfaits réparateurs et relaxants. Aujourd’hui, il m’est gratifiant de contribuer au bien-être sans altérer les cheveux. Offrir ce choix à mes clientes me permet de cultiver une approche diversifiée et respectueuse.

FG : Est-il possible d’obtenir toutes les couleurs avec la coloration végétale, notamment un éclaircissement ?

SD : La coloration végétale offre la possibilité d’éclaircir les cheveux en utilisant des produits naturels, exempts d’ammoniaque. Cependant, l’utilisation d’un oxydant est inévitable. Nous pouvons réaliser un éclaircissement léger qui apporte une touche de luminosité. Il est important de souligner que nous ne pourrons jamais obtenir un blond Barbie avec des produits naturels. En revanche, nous pouvons obtenir des effets lumineux et des balayages subtils. La tendance actuelle valorise les éclaircissements doux, correspondant de plus en plus aux attentes des clientes. L’objectif est d’obtenir un éclaircissement naturel, évoquant un effet « coup de soleil » tout en préservant la santé des cheveux.

FG : Quelle est la fréquence recommandée pour la coloration végétale ?

La coloration végétale offre de nombreux avantages, notamment en termes de fréquence d’application. Contrairement aux produits chimiques, elle n’entraîne pas d’oxydation, évitant ainsi l’effet nettement visible sur les repousses. La couleur s’estompe progressivement, offrant un résultat naturel et doux. Pour celles souhaitant camoufler leurs cheveux blancs, la fréquence de visite au salon est similaire à celle de la coloration traditionnelle, soit toutes les 4 à 6 semaines. Cependant, cette démarche est davantage perçue comme un moment de plaisir, où mes clientes prennent le temps de se détendre, en savourant un thé, en lisant un livre, voire en travaillant sur leur ordinateur.

Les clientes n’ayant pas de cheveux blancs à camoufler viennent en général que deux fois par an pour une coloration. Lorsque les visites sont fréquentes, nous explorons souvent de nouvelles teintes ou techniques pour offrir une expérience renouvelée.

En plus de la coloration, les produits végétaux contribuent à gainer et à renforcer les cheveux, essentiels pour contrer les effets du vieillissement, tels que la fragilité, la sensibilité et l’amincissement progressif des cheveux au fil des années.

FG : Quels sont les bienfaits des soins à l’argile pour les cheveux ?

SD : Les soins à l’argile sont essentiels lorsqu’on opte pour la coloration végétale, car elle agit en tant que détoxifiant, apaisant les problèmes du cuir chevelu. Même si tout va bien, il est tout de même indispensable de faire un soin avant une coloration, car celle ci se fixe mieux et tient plus dans le temps. Il faut savoir que tout ce qui est issu de la pétrochimie fait barrière à la coloration, faire un soin à l’argile devient alors une priorité.

Souvent une problématique du cuir chevelu m’apporte des clients qui souhaitent passé au naturel. L’argile fait des miracles sur ces personnes. Les problèmes peuvent venir d’un soucis de thyroïde, de prise d’antidépresseurs ou des effets résiduels des traitements lourds, comme la chimiothérapie. Cela nécessite une approche spécifique en matière de soins et de coloration. De nombreux effets secondaires des médicaments sont cutanés, et le cuir chevelu est fortement concerné. Il est le terreau pour des cheveux en bonne santé, tout part de là !

Les traitements à l’argile sont particulièrement bénéfiques dans ces cas, car ils permettent de réguler le pH, de réduire l’excès de transpiration, de sébum ou les déséquilibres de pellicules. En apaisant et en calmant le cuir chevelu, ces traitements procurent un environnement plus confortable et stable pour travailler les couleurs végétales. Les effets de l’argile se manifestent rapidement, ce qui peut avoir un impact positif sur le bien-être mental du client. En agissant sur le bien-être à long terme de la cliente, nous améliorons inévitablement la qualité de son cuir chevelu.

FG : Est-ce qu’il y a des recettes à suivre ou est-ce plutôt basé sur votre ressenti ?

SD : Il y a une base, une formation technique pour obtenir un résultat précis. Ensuite, lors de la préparation, je commence par un diagnostic précis que je viens enrichir au fur et à mesure. Pour ce qui est de la couverture ou de l’intensité, certaines plantes dominantes sont nécessaires, mais au moment de l’application, je peux ajouter une plante supplémentaire pour apporter brillance et éclat. Il y a de la technicité, des bases solides, mais bien sûr mon ressenti entre en jeu. On appelle ça « le feeling de l’artiste », en fonction des souhaits de la cliente, j’apporte une touche personnelle, de la créativité.

J’offre toujours un accompagnement personnalisé, donc pour un même diagnostic, je ne choisirai pas les mêmes plantes ni les mêmes quantités. Le vécu de la cliente, ses origines, ses précédentes colorations, la qualité de ses cheveux, tout cela entre en compte.

Pour une première expérience, j’adopte toujours une approche douce, avec une marge de manœuvre et une réserve. Chaque recette ne donnera pas le même résultat d’une personne à l’autre, car nous avons nos propres pigments. Comprendre l’origine est crucial, car les carnations varient et réagissent différemment. Les pigments capillaires, parfois invisibles, contribuent à créer des reflets uniques. Je les découvre souvent lors des premiers tests.

FG : Si vous aviez une baguette magique que changeriez-vous ?

Je me trouverai un salon avec une petite terrasse ou un extérieur. Je souhaiterais développer une approche bien-être pour parenthèse de relaxation. Mon objectif est d’offrir des massages crâniens shiatsu lorsque j’aurai mon bac allongé, nécessitant un peu plus d’espace que mon salon actuel. Les clients viendraient vivre une véritable expérience, où la coquetterie serait associée au bien-être, car c’est important.

FG : Souhaitez-vous ajouter quelque chose ?

Coco Chanel disait : « Une femme qui se coupe les cheveux s’apprête à changer de vie ».

SD : Ce n’est pas seulement une coupe, c’est aussi une couleur. Parfois, c’est un changement radical. J’adore être présente dans ces moments. C’est une étape significative dans la vie d’une cliente, et elle a besoin de soutien.

Reportage et photos réalisés par Florence GIL de FG Photographie
Le 30/03/2024, à Castelsarrasin (82)

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